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LIMBI ªI LITERATURI STRÃINE

2 0 0 6

LE DRAGON ET LE PERROQUET:

BREF APERÇU SUR LES ORIGINES POSSIBLES

DES DEUX ANIMAUX EMBLÉMATIQUE DU ROI ARTHUR[1] 

CATALINA GIRBEA

 

Le Chevalier au Papegau est un roman arthurien en prose, daté de la fin du XIVe siècle ou début XVe[2], qui raconte les aventures du roi Arthur survenues tout de suite après son couronnement, un jour de Pentecôte. La grande originalité de ce texte est de présenter le roi en tant que personnage principal de la narration, en chevalier nouveau, lancé à la recherche des exploits destinés à le rendre plus mûr et digne de la couronne[3]. Aucun autre texte n’avait tenté de transformer le roi en héros central. La critique a décelé parmi les possibles sources de notre texte le Wigalois, roman allemand du XIIIe siècle relatant les aventures du fils de Gauvain, et Le Bel Inconnu ainsi que sa version italienne Carduino. Bon nombre d’épisodes du Papegau sont inspirés de ces romans, aussi bien que des romans de Chrétien de Troyes.

Le lecteur de la matière arthurienne identifie l’animal tutélaire du roi Arthur avec le dragon, qui figure dans les armoiries de son père Uther Pendragon. Or, dans le Papegau, le roi se voit pourvu d’une autre enseigne, une sorte d’emblème vivant qui l’accompagne partout comme un lointain souvenir du lion d’Yvain, un perroquet. C’est ainsi qu’au lieu d’être nommé par son vrai nom de souverain, Arthur est, tout le long du roman, le « chevalier au papegau ». L’oiseau devient le compagnon inséparable du roi à la suite d’un concours de beauté, dont il est le prix. On reconnaît là évidemment une allusion à l’épreuve de l’épervier qui existe dans Erec et Enide[4].

Avant d’examiner les raisons pour lesquelles le dragon a pu être remplacé par le perroquet, force nous est de faire un détour pour analyser la figure tutélaire du dragon chez Geoffroy de Monmouth, Wace et plus tard chez le Pseudo-Robert de Boron. L’animal fabuleux émerge pour la première fois lors de l’épisode du combat des deux dragons sous la tour de Vetigier. L’un des dragons est vermeil, l’autre blanc. C’est Merlin qui livre la clef d’interprétation de leur combat. Chez Geoffroy, le dragon blanc signifie les Saxons et le rouge les Bretons, qui seront défaits. Il est étrange de voir que la symbolique des couleurs semble totalement pervertie dans le texte latin et que le blanc est associé au peuple envahisseur et donc négativement connoté. Cela serait peut-être explicable si l’on tient compte du fait que le dragon, le plus souvent maléfique et démoniaque en bonne tradition apocalyptique, est ici juste un signifiant politique. Le problème posé d’emblée donc par le dragon arthurien est d’ordre politique et non pas éthique et il serait inutile de chercher à le décoder à travers les catégories du bien et du mal. La voie est ainsi ouverte vers la perception du dragon comme enseigne héraldique, puisque les armoiries ne sont presque jamais à comprendre dans une perspective éthique. L’origine du motif du combat des deux dragons peut se trouver dans l’Ancien Testament, dans un épisode inclus dans la Septante et probablement connu par Geoffroy, le passage du Songe de Mardochée (Livre d’Esther, 10,6, 11,6)[5], où le roi Mardochée rêve de deux dragons qui s’avancent pour se combattre, symbolisant tous les deux des nations en guerre. L’origine biblique, corroborant l’esprit messianique qui semble régir l’Historia[6], se double d’une autre origine possible, l’histoire des deux dragons qui vont dormir dans Lludd et Llevelys, où les bêtes fabuleuses symbolisent deux tribus[7].    

Dans le Merlin du Pseudo-Robert de Boron, le dragon blanc signifie les fils du roi Constant, Uther et Pendragon, alors que le dragon rouge est le symbole de Vortigern. Pour Anne Berthelot, il s’agit là d’une tentative de simplification qui répond et convient à l’économie du roman, qui transforme les dragons comme symboles des nations en personnages et abandonne l’universalisme de Geoffroy[8].

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Dans le Merlin le dragon apparaît une deuxième fois lors de la bataille de Salisbury et il annonce en même temps la mort de Pendragon et la victoire des Bretons. Tel qu’il est décrit, il a plutôt l’apparence d’une commette[9]. Or, justement Geoffroy avait décrit le signe comme une commette dans le ciel, une étoile « in similitudinem draconis » et Anne Berthelot de conclure qu’il y a un « degré zéro du dragon » puisque tout le monde semble savoir ce que cela pouvait être[10]. Dans le Merlin, c’est un vrai dragon qui apparaît dans le ciel, qui est décrit en tant que tel, il est nommé « enseigne » dans la prophétie de Merlin et nous ne savons pas s’il s’agit d’un vrai dragon ou d’une illusion, fruit de quelque enchantement de Merlin. N’empêche que chez Geoffroy et chez Wace, Uther fera faire deux enseignes en or, en forme de dragon, afin de commémorer la mort de son frère, l’une qui sera portée devant lui et l’autre qui sera accrochée à la cathédrale de Winchester. En revanche, le Merlin ne reprend pas cette scène, préférant décrire la construction de Stonehenge. En d’autres termes, le Merlin aboutit sur un épisode magico-mythique en court-circuitant l’aspect emblématique, là où Wace et Geoffroy avaient laissé une place de choix à l’emblème politique. Cette dislocation nous apparaît quelque peu logique si l’on pense que l’économie romanesque dans le Merlin exige la mise en valeur des éléments mythiques parfois au profit des aspects d’ordre purement politique, et nous avons déjà rappelé la substitution des nations par des personnages dans le processus herméneutique au sujet des dragons de Vertigier. Cependant l’explication peut être d’un autre ordre. 

Afin d’y parvenir et pour comprendre mieux les raisons qui ont poussé Wace et Geoffroy à attribuer l’emblème du dragon au vainqueur des Saxons, nous sommes tenus de reprendre la symbolique et la signification du dragon. Les textes latins confondent souvent draco et anguis, (serpent), ce qui revient à dire que le dragon est essentiellement une force maléfique, reprise multipliée du dragon de l’Apocalypse. Nous l’avons dit, ce n’est pas à ce genre de dragon que nous avons affaire ici. Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’œil aux enluminures qui représentent les dragons en train de se battre sous la tour de Vertigier afin de voir que les artistes ne prennent même pas la peine de les diaboliser. Ainsi dans le manuscrit fr 105, fol. 139v (datant du XIVe siècle), les dragons, l’un noir et l’autre gris (ce qui renforce, il est vrai, les connotations négatives du combat en soi) ne semblent pas trop maléfiques, ils ne présentent pas de griffes trop Text Box: 4
prononcées et ont plutôt des têtes de chiens. Pareil pour le manuscrit fr. 91, fol. 20, (XVe siècle). Le dragon des débuts arthuriens n’est pas une force à laquelle on se confronte mais un dragon avec lequel on s’affronte. Afin de comprendre l’animal qui préside à la destinée d’Uther et donc d’Arthur lui-même, il faut complètement oublier le dragon méchant que saint Georges terrasse systématiquement un peu partout en Occident et en Orient.

L’origine de l’enseigne arthurienne du dragon est complexe et requiert un parcours beaucoup plus large que la sphère celtique. Par ailleurs, le dragon comme emblème ou même comme signe politique (nous excluons les bêtes des prophéties qui ont des rôles à part, calqués peut-être sur le messianisme biblique) n’existe pas dans l’histoire des Celtes et n’est pas caractéristique de leur littérature[11]. On retrouve cependant le dragon très tôt dans l’armée romaine. Ainsi le pennon à dragon apparaît dès le IIe siècle sur la colonne de Trajan. Au Ve siècle il paraît que toutes les cohortes romanes possédaient ce genre d’enseigne[12], et que le porteur était nommé draconarius. Le dragon figure dans bon nombre de cérémonies impériales au IVe siècle, ce qui peut suggérer qu’il a un rapport à la personne de l’empereur[13]. Enfin le pennon à dragon apparaît sur l’arche de Constantin, représentant l’entrée de l’empereur dans Rome en 312. Dans sa description de la campagne de Jules César contre les Alemans en 357, Ammianus identifie de façon explicite l’animal fabuleux avec la majesté impériale. Bref, le dragon étant un emblème romain, il aurait pu être connu dans la Bretagne du IV siècle et adopté par les Bretons romanisés qui désiraient affirmer leur latinité face à l’envahisseur saxon. Cette interprétation soulève cependant des problèmes : chez Geoffroy les Saxons et les Bretons sont figurés tous les deux en dragons. Ce problème de base expliquerait peut-être la perplexité de Wace qui préfère laisser un long silence merlinesque à la place de l’explication[14]. Certes, si nous coupons nettement tout lien entre la tour de Vertigier et les enseignes du dragon, le problème est résolu dès le départ. Mais peut-on séparer ces épisodes alors que tous les deux comportent une clef de lecture de type politique ayant trait au combat Bretons / Saxons ? Et, de plus, les Romains sont-ils vraiment une puissance tutélaire à invoquer devant les Saxons aussi longtemps que la Historia raconte les exploits d’Uther contre les Saxons et ceux d’Arthur contre les Romains ? Le dragon arthurien devient peut-être plus limpide si l’on pense que non seulement les Romains, mais les Saxons aussi arboraient le Text Box: 5
dragon en guise d’enseigne depuis le Xe siècle selon Widukind[15]. Par ailleurs, la tapisserie de Bayeux représente Harold en train de tomber, transpercé par une flèche, juste à côté de la bannière au dragon[16]. Cela expliquerait déjà la présence du dragon blanc pour figurer les Saxons, mais pas du tout la fabrication des enseignes en or par Uther, ni le nom de Pendragon qu’il dans la tradition celtique. On pourrait penser que l’image du dragon provient d’une simple faute de traduction de Geoffroy, puisqu’en gallois dragon, dragwn, ou draig signifie chef, leader[17]. Ceci résout le problème du nom (Uther est le « chef des chefs » en quelque sorte), mais pas celui de emblème. L’hypothèse d’une erreur de traduction reste tout de même difficile à soutenir, puisque le peu de renseignements biographiques que l’on possède au sujet de Geoffroy nous disent que c’est un Gaulois méridional d‘origine armoricaine et qu’en plus la différence entre les divers dialectes cymrique, breton ou cornique n’est pas grande, à l’époque[18].

L’enseigne du dragon est bien instrumentalisée chez Geoffroy de façon consciente. Son origine ne peut être ni celtique, ni normande, puisqu’il n’y a aucune mention à ce sujet avant notre auteur[19]. Martin Aurell montre que Geoffroy est avant tout un Gallois patriote et nationaliste, profondément hostile aux envahisseurs Normands sans pour autant exprimer librement cette aversion[20]. Dans cette perspective, l’enjeu immédiat de la Historia n’étant pas de dénigrer le plus possible les divers ennemis des Bretons le long du temps, mais l’envahisseur contemporain, et cela de façon masquée, entre les lignes, il serait possible d’envisager une reprise par Uther et ses descendants de l’enseigne saxonne par esprit de solidarité avec un peuple également conquis par les Normands. Le dragon de Harold, tombé à Hastings, et qui d’ailleurs disparaît pendant un siècle et demi comme signe politique[21], refait surface en emblème triomphant dans la Historia, entre les mains des Bretons, comme pour effacer les traces de Hastings. Certes, les Saxon sont dénigrés chez Geoffroy, mais la mémoire rancunière des peuples fonctionne souvent du plus proche en plus proche et la menace saxonne relève de l’histoire ancienne pour un Gallois, alors que les Normands sont les envahisseurs bien ancrés dans le présent et difficiles à ignorer. Cela n’exclut nullement un télescopage du dragon saxon et du dragon romain : aux valeurs subversives de l’enseigne des autochtones vaincus viennent se rajouter les valeurs triomphales des Romains. La reprise d’un signe du pouvoir romain ne peut qu’étayer la vocation d’Arthur à l’empire et corroborer la prophétie selon laquelle Text Box: 6
il est supposé conquérir Rome marchant sur les traces de Belin et de Brenne. Par ailleurs, le geste d‘Uther d’afficher à Winchester cette enseigne bretonne surlégitimante, du conquis dans son droit de premier venu et du conquérant légitimé par des prophéties, apparaît comme une audacieuse suggestion de Geoffroy qui semble vouloir placer la ville anglaise dans la sphère d’influence galloise. Dans cette perspective, le fait que l’épisode des enseignes disparaît chez le Pseudo-Robert s’expliquerait mieux : le Merlin ne manifeste plus la tendance subversive envers le Normands que l’on peut prêter à Geoffroy, et l’auteur a préféré passer sous silence le dragon saxon, romain ou arthurien qui d’ailleurs à l’époque était déjà passé sous l’égides des Anglais[22]. Avec l’enseigne mise en avant par Geoffroy on peut donc être devant un phénomène paradoxal de mimétisme, d’ordre aussi bien politique qu’anthropologique : récupérer les armes de l’ennemi est parfois synonyme d’une appropriation de ses pouvoirs[23].  

À la place de cette enseigne imposante et terrible, à la fin du Moyen Âge Arthur se retrouve avec un perroquet en guise d’animal emblématique. Comment a lieu cette dislocation ? Certes, la réponse immédiate qui nous vient à l’esprit est que le perroquet se retrouve déjà dans la source du Papegau, précisément le Wigalois : le fils de Gauvain récupère un perroquet, prix d’un concours de beauté volé par un mauvais chevalier et la demoiselle propriétaire de l’oiseau décide de le lui offrir en guise de récompense[24]. Arthur le « chevalier au papegau » vient remplacer au XVe siècle Wigalois, le « chevalier à la roue », toujours accompagné par le perroquet. Le perroquet arthurien serait donc d’origine allemande.

D’autre part, on pourrait penser que la charge parodique du chevalier au papegau exige à tout prix un perroquet à la place du dragon. L’animal ailé terrifiant est ainsi remplacé par un autre volatile, de petites dimensions et, de surcroît, d’une lâcheté monumentale. Parce que le papegau d’Arthur est éminemment lâche : lors de l’attaque du Chevalier Poisson, il implore son nain servant de le laisser s’envoler de sa cage afin qu’il puisse mieux s’enfuir[25]. L’épisode se répète lors du naufrage sur l’île du géant sans nom : le papegau est terrifié par les vagues et demande encore une fois au nain de le délivrer, le nain a par contre trop peur des vagues pour bouger mais lui suggère de fermer les yeux, comme cela il allait ne plus rien voir[26]. Dragon renversé donc, couard et dépendent, l’oiseau emblématique arthurien serait une enseigne parodique destinée à pointer vers la décadence de la chevalerie arthurienne à la fin du Moyen Âge.

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Mais pourquoi alors l’auteur du roman choisirait de présenter les enfances arthuriennes juste pour ridiculiser le roi ? Et, surtout le papegau est-il vraiment un animal caricatural en dépit de ces scènes burlesques que nous venons d’évoquer et apparaît-il pour la première fois dans les écrits arthuriens ou dans la littérature en général? Avant de reprendre les diverses occurrences du perroquet avant le XVe siècle, force nous est de penser également à un phénomène de glissement iconographique : Martin Aurell montre comment le dragon figurant sur le cimier de Pierre IV, roi d’Aragon se transforme petit à petit en chauve-souris à partir de la fin du XIVe siècle, sous l’impulsion de ce genre de glissement[27]. Pourquoi alors le dragon arthurien, animal exotique et fabuleux, ne pourrait pas se transformer en papegau ? Les deux sont des bêtes fabuleuses et exotiques ailées (le don de la parole qu’a le perroquet fait de lui un oiseau fabuleux). Les deux sont des bêtes royales, puisque le perroquet en héraldique porte presque toujours une couronne. Et cela sans parler du fait que le papegay comme emblème a l’air souvent terrible et combatif, présentant des griffes menaçantes, ce qui l’apparente au dragon sur le plan visuel[28].           

Des textes français antérieurs au Papegau évoquent d’autres chevaliers au perroquet, il s’agit par exemple du chevalier aux trois perroquets dans le Perceforest[29]. Ceci est déjà une piste des origines d’ordre fonctionnel. L’oiseau est d’ailleurs aussi mentionné chez Chrétien dans la description de Blanchefleur : « Et la pucelle vint plus cointe / Et plus acesmee et plus jointe / Que espreviers ne papegaus. » (v. 1795-1797). Le papegaut apparaît aussi dans deux nouvelles en langue d’oc du XIIIe siècle : Frayre de Joy et Sor de Plaisir et Las Novas del Papagai. Dans le deuxième conte, l’oiseau n’est pas uniquement le messager de l’amant, il est aussi l’instigateur d’un complot contre le mari jaloux[30]. Nous avons aussi un conte en langue d’oïl intitulé La Dame aux trois papegaulz, tiré d’un recueil du XIVe siècle, où les oiseaux remplissent le rôle de gardador d’une dame. Enfin, être privilégié des locus amoenus, le perroquet est énuméré parmi les magnifiques oiseaux du jardin du Roman de la Rose[31].

À quel moment cet oiseau commence à être connu au Moyen Âge ? Nous savons qu’il est décrit dès le Ve siècle par l’historien et médecin Ctésias[32]. Mais il acquiert sa vraie réputation grâce à Ovide, qui fait de lui le compagnon de Text Box: 8
dame Corinne[33]. Enfin, la plupart des Bestiaires le présentent comme originaire des Indes, où d’ailleurs c’est un oiseau sacré grâce au don de la parole. Pierre de Beauvais le décrit ainsi: il existe deux types de papegaux, l’un qui a trois doigts à ses pieds, l’autre six, il est toujours de couleur verte avec un peu de bleu, le bec courbé comme l’épervier, et il parle de façon très agréable[34]. Mais surtout il ne doit pas être en contact avec l’eau afin de ne pas perdre la couleur de ses plumes. Ce trait peut expliquer peut-être la peur panique des vagues manifestée par le papegau d’Arthur dans le roman.

On retrouve une description similaire chez Gossuin de Metz, sauf que là le bon perroquet a cinq doigts et le vilain en a trois[35]. Chez Brunetto Latini, l’oiseau est décrit comme étant vert et originaire des Indes[36]. Le même auteur parle de sa présence dans le royaume du Prêtre Jean. On le retrouve chez Thomas de Cantimpré, qui raconte l’histoire du pape Léon dans De natura rerum : le pape possédait un perroquet qui, pour le distraire, lui répétait Leo papa vale, référence subtile bien sûr à la racine du mot même de papegaut[37]. La salle d’audience du palais pontifical sera désignée d’ailleurs du nom de « chambre du papegay », selon Lacurne de Saint-Palaye[38].

Dans les enluminures notre oiseau comporte presque toujours une place à part. On le reconnaît au fait qu’il est vert, mais en plus de cela il est placé à des endroits particuliers dans les enluminures. Ainsi, sur la bordure marginale de la Métaphysique d’Aristote, (Ms lat. 6299, fol. 14, XIVe siècle) nous retrouvons un perroquet dans une scène de chasse, mais placé en haut, comme séparé du reste de l’image, en dessus du chasseur qui sonne du cor, et tenant une pierre dans ses pattes, pierre qu’il semble laisser tomber sur l’homme d’un moment à l’autre[39]. En position dominante, presque menaçante, le perroquet fait figure de divinité tutélaire en même temps des hommes et des bêtes. Dans une autre image, du ms 1185 de la BN, fol. 208 (vers 1290), un extrait des Heures à l’usage de Cambrai représente une agglomération d’oiseaux sur un fond d’or. Le perroquet est encore une fois situé en haut à droite, même s’il est cette fois-ci sur la même ligne que les autres volatiles[40]. Enfin, dans une enluminure du ms fr. 1537 de la BN (XVe siècle), l’extrait des Chants pour le puy de Rouen, représentant le paradis, comporte un perroquet assis sur le bord d’une fontaine. Encore une fois séparé du reste des bêtes, et entretenant semble-t-il un rapport privilégié avec le locus amoenus par la proximité de la fontaine régénératrice, le Text Box: 9
papegau manifeste une compétence à part à figurer comme oiseau supérieur et comme quelque chose d’autre par rapport au groupe[41].

Sa figure est chargée de connotations mystiques et mystérieuses et emprunte, dans un conte néerlandais calqué sur La Dame aux trois papegaulz, le langage des savants et des clercs : ainsi le premier parle provençal, (ou italien selon Suzanne Thiollier-Méjean[42]) le deuxième latin et le troisième français. D’ailleurs dans l’histoire même des trois perroquets, ils parlent tous provençal, langue à résonance exotique, langue de l’amour et de la sagesse mystique[43]. Chez les Occitans, les perroquets entrent très vite en scène, puisqu’ils fonctionnent comme senhals dès le début du XIIe siècle (Bel papegai etc.).

L’oiseau est non seulement un élément décoratif particulier, il est aussi dans la littérature une voix de la sagesse et de l’amour. Ainsi dans les deux nouvelles en langue d’oc que nous avons mentionnées, il est un messager de l’amour, il est aussi un habile conseiller, un bon médecin (il trouve une herbe magique) et un musicien professionnel. D’ailleurs ce n’est peut-être pas un hasard que la harpiste du Sone de Nansay, roman de la fin du XIIIe siècle, s’appelle Papegay. Son nom allié à la perfection de sa musique rappelle le talent particulier du perroquet en matière de chant ce qui fait de lui un digne concurrent de l’alouette de la lyrique troubadouresque.     

On peut donc constater l’ambivalence de cette figure particulière et unique qu’est le papegau aux yeux des hommes médiévaux. Comme Brunetto Latini ou Gossuin le soulignent, il existe deux types de papegauts, l’un bon et l’autre mauvais. Il est l’oiseau de l’amour et de la sagesse des clercs, il est le bon parleur et le bon musicien, alliant ainsi les deux fonctions de la lyrique et de la narration. La couleur verte elle-même est ambivalente, puisqu’elle se rattache à la mort et à l’enfer en même temps qu’à l’amour naissant et à l’espérance[44].

La vogue du perroquet à partir du XIVe siècle commence à se manifester dans un jeu très ancien, attesté dès le IXe siècle : il s’agit d’un concours pour abattre une poule ou un coq à coups de flèches, l’oiseau étant situé à diverses hauteurs sur une herse ou un râteau qui peut avoir une forme triangulaire hérissée[45]. L’image du coq serait tout de même une image christique, et Suzanne Thiollier-Méjean avance l’hypothèse que la substitution au XIVe-XVe siècles du coq par le papegay, ce qui donne au jeu le nom de « jeu du papegay », est due à la charge trop religieuse du coq. Les joueurs préféreraient ainsi un Text Box: 10
oiseau plus mondain et plus exotique[46]. Les histoires bibliques apocryphes sur le coq cuisiné ressuscité par le Christ pourraient venir étayer cette hypothèse, d’autant plus que le Christ, à la suite du miracle, accorde au coq le don de la parole afin qu’il puisse raconter ce qui lui est arrivé[47], détail qui l’apparente au perroquet de manière visible. Cependant nous pensons que la substitution du coq par le perroquet se fait surtout pour des raisons de mondanité, puisque, même si le coq présente des valeurs christiques, on voit mal les hommes médiévaux en train d’avoir des scrupules à le prendre pour cible, n’ayant pas une perception vraiment totémique sur les bêtes et encore moins sur leurs représentations. 

Dans cette perspective, on peut évidemment se demander si le motif de la conquête du perroquet dans notre roman n’est pas inspiré aussi par le jeu du papegay, d’autant plus que la critique a remarqué déjà l’absence totale de la dame dans l’exploit d’Arthur. En effet le jeune roi conquiert le perroquet, mais ce n’est pas pour le donner à sa dame comme dans Erec. Cette conquête est totalement gratuite et a trait uniquement à la prouesse chevaleresque. Enfin, si l’on pense à l’héraldique médiévale, le papegay n’est pas un meuble très courant. On le retrouve surtout à partir du XIVe siècle dans les régions du Rhin[48]. À ce niveau, on pourrait expliquer la présence du papegaut d’Arthur par la familiarité manifestée par l’auteur non seulement avec le Wigalois, mais aussi avec les régions allemandes[49].

Parvenus à la fin de ce parcours sur les origines du dragon et du perroquet arthurien, force nous est de constater que le XVe siècle remplace le dragon par un oiseau exotique sous l’impulsion de plusieurs éléments. L’intertextualité en est une des causes premières, puisque la tradition arthurienne et littéraire en général connaît plusieurs perroquets. Cette intertextualité se manifeste elle-même sous l’impulsion de plus en plus grande de la vogue de l’oiseau exotique et fabuleux dans les pratiques sociales, courtoises et iconographiques après le XIIIe siècle. Enfin, les représentations du dragon et du perroquet permettent l’hypothèse d’un glissement iconographique, et en plus le dragon, déjà très courent en Europe comme meuble héraldique au XVe siècle, s’était banalisé. Libre aux auteurs arthuriens d’essayer de trouver un emblème plus original pour le roi légendaire.

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DRAGONUL SI PAPAGALUL: CÂTEVA CONSIDERATII CU PRIVIRE LA POSIBILELE ORIGINI ALE CELOR DOUA ANIMALE EMBLEMATICE ALE REGELUI ARTHUR

Rezumat

Începuturile domniei legendarului rege Arthur, asa cum sunt ele prezentate în textele secolului al XII-lea, stau sub semnul dragonului. Animalul fabulos nu este numai un simbol al puterii si vitejiei suveranului, ci devine încetul cu încetul emblema monarhiei arturiene. În secolul al XV-lea însa, în romanul Le Chevalier au papegaut, regele nu mai este nicidecum însotit de un dragon, ci de un papagal. Originile acestor doua animale, fiecare exotica în felul ei, sunt cheia pentru a întelege cum s-a ajuns în decurs de trei secole, la o schimbare atât de radicala în heraldica arturiana.


[1]   Cet article reprend une partie de notre exposé du 15 février 2006 à l’Université de Poitiers, dans le cadre du séminaire de DEA de Martin Aurell, que nous remercions pour tous ses conseils bibliographiques et pour toutes les discussions qui nous ont aidée à voir plus clair le problème des origines de l’emblème arthurien.

[2]   Nous garderons le titre donné au roman par F. HEUCKENAMP dans son édition de 1896 au détriment du Conte du Papegau, proposé par H. CHARPENTIER et P. VICTORIN en relation avec le Conte du Graal, dans l’édition que nous utilisons dans cet article, Le Conte du Papegau, Paris, Champion, 2004. Le perroquet est plus un emblème et un compagnon pour le jeune roi tout comme le lion d’Yvain, que le centre de l’histoire comme c’est le cas du Graal, c’est pourquoi Le Chevalier au Papegau nous semble plus approprié.      

[3]   Le Perlesvaus (fin du XIIe siècle) et l’Atre Périlleux (XIIIe siècle) présentent aussi Arthur en train de partir à la recherche des aventures, mais il s’agit à chaque fois d’un Arthur déjà couronné depuis longtemps, un souverain mûr qui tente d’imiter ses chevaliers, alors que le Papegau présente ce qu’aucun autre roman n’avait fait avant, les enfances arthuriennes.    

[4]   Sur l’épisode de l’épervier dans Erec, voir les recherches récentes de Martin Aurell. Le concours de beauté  (jeu à la suite duquel la dame la plus jolie de l’assemblée recevait un oiseau comme prix) ayant comme prix un épervier apparaît également dans le Bel inconnu.

[5]   Nous remercions Martin Aurell pour cette référence.

[6]   Cf. M. AURELL, « L’Histoire des Rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth et la Rennaissance du XIIe siècle », Conférence pour la Haskins Society, Washington, 4-5 novembre 2005, sous presse au Haskin’s Journal.

[7]   J. S. P. TATLOCK, « The Dragons of Wessex and Wales », dans Speculum, VIII, 2, 1933, p. 228.

[8]   A. BERTHELOT, « Dragon rouge / Dragon blanc, dragon d’or / dragon d’airain : les avatars du dragon dans le corpus merlineque », dans Le dragon dans la culture médiévale, Actes du colloque du Mont-Saint-Michel (31 octobre-1er novembre 1993), Greifswald, 1994, p. 14. L’auteur remarque aussi à juste titre que le blanc a retrouvé son symbolisme positif. Elle rappelle également que chez Wace, Merlin n’explique plus la signification des dragons, ce qui rend l’épisode purement romanesque mais inexploitable comme matériel prophétique (p. 15).

[9]   « Lors aparus li moustes en l’air, uns dragons vermaus et jetoit fu et flambe et parmi le nés et parmi la bouche, ce es toit avis a tou ciaus de l’ost. » (Merlin, dans Le Livre du Graal, éd. D. Poirion, P. Walter, Paris, Gallimard, 2001, p. 686).

[10] A. BERTHELOT, art. cit., p. 15. Le phénomène astronomique restant néanmoins dépourvu de nom dans le texte latin est nommé explicitement par Wace, cumete.

[11] J. S. P. TATLOCK, art. cit., p. 228.

[12] Ibidem, p. 223:  à partir de 175 selon Végèce, le dragon est le signe d’une cohorte, alors que l’aigle accompagne une légion de dix cohortes.

[13] M. J. CURLEY, « Animal Symbolism in the Prophecies of Merlin », dans Beasts and Birds of the Middle Ages. The Bestiary and its Legacy, éd. W. B. Clark et M. T. McMunn, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1989, p. 158.

[14] M. AURELL montre d’ailleurs que Wace a gommé le plus possible les allusions politiques pro-celtiques, art. cit.

[15] J. S. P. TATLOCK, art. cit., p. 224.

[16] Ibidem, p. 225.

[17] Ibidem, p. 228.

[18] M. AURELL, art. cit.

[19] J. S. P. TATLOCK, art. cit., p. 224.

[20] M. AURELL, art. cit.

[21] J. S. P. TATLOCK, art. cit., p. 225.

[22] Ibidem, p. 226.

[23] Par ailleurs la théorie de R. GIRARD sur le désir mimétique par rapport à l’adversaire, exposée dans Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Grasset, 1995, peut éclairer encore mieux ce phénomène.

[24] WIRNT DE GRAFENBERG, Wigalois, le chevalier à la roue, éd. C. Lecouteux et V. Levy, Grenoble, Ellug, 2001, p. 114 sq.

[25] Papegaut, éd. cit., p. 102.

[26] Ibidem, p. 228.

[27] M. AURELL, « Messianisme royal de la couronne d’Aragon (XIVe-XVe siècles) », dans Annales. Histoire. Sciences Sociales, 1997, p. 119-155. Nous remercions l’auteur de nous avoir attiré l’attention sur le phénomène du glissement.

[28] Dictionnaire du blason, Paris, Le Lépard d’or, 2001, images 706 et 707.

[29] Perceforest, éd. G. Roussineau, Genève, 1991, t. II, p. 142 sq.

[30] S. THIOLLIER-MEJEAN, « Le motif du perroquet dans deux nouvelles d’oc », dans Miscellanea Medievalia. Mélanges offerts à Philippe Ménard, études réunies par J. C. Faucon, A. Labbé et D. Quéruel, Paris, Champion, 1998, p. 1355.

[31] Roman de la Rose, Éd Flammarion, cité par S. THIOLLIER-MEJEAN, art. cit., p. 1363.

[32] Histoire de la Perse et de l’Inde, dans Hist. Graec. Fragm., cité par S. THIOLIER-MEJEAN, art. cit., p. 1360.

[33] OVIDE, I, Heroides and Amores, cité par S. THIOLLIER-MEJEAN, art. cit., p. 1360.

[34] Pierre de Beauvais, cité par H. CHARPENTIER, « Préface », éd. cit., p. 40.

[35] Gossuin de Metz, cité par H. CHARPENTIER, éd. cit., p. 42.

[36] Brunetto Latini, cité par S. THIOLLIER-MEJEAN, éd. cit., p. 1361.

[37] THOMAS DE CANTIMPRÉ, De natura rerum, V, 109, cité par H. CHRPENTIER, éd. cit., p. 43.

[38] Cité par S. THIOLLIER-MEJEAN, art. cit., p. 1363.

[39] M.-H. TESNIÈRE, Bestiaire médiéval. Enluminures, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2005, fig. 60. 

[40] Ibidem, fig. 84.

[41] Ibidem, fig. 9.

[42] Ibidem, p. 1359.

[43] Ibidem, p. 1358.

[44] M. PASTOUREAU, Figures et couleurs. Étude sur la symbolique et la sensibilité médiévale, Paris, Le Léopard d’or, 1986, p. 30.  

[45] Ce jeu a manifestement des origines roturières, selon Martin Aurell et Laurent Hablot, mais il est fortement probable qu’il ait gagné l’aristocratie, au point où la reine Marguerite d’Autriche deviendra « Reine du papegay », cf. S. THIOLLIER-MEJEAN, art. cit., p. 1358. 

[46] S. THIOLLIER-MEJEAN, art. cit., p. 1357.

[47] Voir à ce sujet R. GOUNELLE, «  À propos des volailles cuites qui ont chanté lors de la passion du Christ », dans Recherches augustiniennes, 33, 2003, p. 19-63. Nous remercions Esther Dehoux pour cette référence.

[48] L. HABLOT, Mémoire de Maîtrise. Nous remercions Laurent Hablot de ses références bibliographiques en matière d’héraldique. 

[49] Si le perroquet est un oiseau exotique, il pouvait être importé d’Orient par l’Italie, d’où la vogue de cet oiseau en Italie, et de là il a pu passer assez vite en Allemagne (nous devons cette explication à Martin Aurell).

 

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